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Terroirs et territoires : la bio bulle-t-elle en Champagne ?

Terroirs et territoires : la bio bulle-t-elle en Champagne ?

À partir du 08/01/2022

En Champagne, célèbre pour ses vins prestigieux, des brasseurs effervescents surprennent les amateurs de bulles avec des bières artisanales, là où vignes et grandes cultures intensives, circuits longs et export dominent. Malgré des schémas agricoles conventionnels tenaces, ces dernières années voient les surfaces bio décoller. De nouvelles filières sortent de terre. Et les caves, elles aussi, commencent à pétiller bio. Enfin ! L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

 

En Champagne, célèbre pour ses vins prestigieux, des brasseurs effervescents surprennent les amateurs de bulles avec des bières artisanales, là où vignes et grandes cultures intensives, circuits longs et export dominent. Malgré des schémas agricoles conventionnels tenaces, ces dernières années voient les surfaces bio décoller.De nouvelles filières sortent de terre. Et les caves, elles aussi, commencent à pétiller bio. Enfin ! L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

 

par Pascale Solana

 

L’agriculture biologique avait oublié le département de la Marne. Et la Champagne avec. Ni le sourire de l’ange de la cathédrale des sacres à Reims, ni la clairvoyance de quelques précurseurs qui avaient su refuser dans les années 70 la chimie et l’épandage des ordures de Paris dans leurs vignes* n’y ont pu quelque chose. Fabien Hubert, un gars du Nord venu ancrer son magasin Biocoop Saint-Thomas à Reims en 2017, croit ce qu’il voit : bio et local, ici c’est la chasse au trésor.
 
L’agriculture marnaise est marquée par le productivisme, les vastes étendues des grandes cultures et le parcellaire éclaté des vignes sur un sol crayeux unique que se partage une multitude de propriétaires. Un damier ! Les uns, vignerons qu’on appelle récoltants-manipulants, vinifient. Les autres vendent leurs récoltes aux coopératives, mais surtout aux 320 maisons également propriétaires de vignes.

Brendan le Moulec devant ses fûts©Pascale Solana

Contre toute attente, ce Breton devenu Champenois, Brendan le Moulec, réalise des bières d’orge et de fruits sauvages qu’il élève en vieux fûts de madiran ou de rhum dans sa microbrasserie à Châlons-en-Champagne (51).

Elles élaborent des cuvées reflétant immuablement le style de chaque marque par l’assemblage de cépages, de crus et d’années. Le bio n’y est pas représentatif, et dans ce paysage où les maisons réalisent plus des deux tiers des expéditions, intérêts et approches diffèrent.
 
Mais cette année, les acteurs de la filière bio n’en reviennent pas eux-mêmes.

« Les chiffres sont incroyables. Nous étions une vingtaine de vignerons bio il y a 10 ans, 158 structures se sont ajoutées aux 260 existantes en 2019 !Nous allons approcher les 6 % de surfaces bio de l’AOC Champagne. Certes ce n’est pas les 30 % de l’Alsace, mais en 2019 on était à 3 % ! »

constate Pascal Doquet, viticulteur en biodynamie à Vertus et président de l’association Champagnes bio

  

QUI A FAIT PÉTER LA ROTEUSE ?

 

Le muselet* bio s’est soulevé. Est-ce lié à une recherche de cohérence avec le prestige du champagne dont les paysages et les caves sont au patrimoine de l’Unesco ? Peut-être.
 
Ou à la demande sociétale et à la conjoncture surtout « favorable à une progression des conversions, à cause notamment des nouvelles règles de voisinage avec les riverains des vignobles, imposant des distances de sécurité près des habitations, à cause aussi des conditions météo très défavorables au mildiou », selon Pascal Doquet. L’élan repose aussi sur un travail engagé depuis longtemps réunissant différents acteurs. Ainsi l’association Champagnes bio au sein de la structure régionale Bio Grand Est a multiplié les actions telles animations et autres portes ouvertes dans les vignes.

« Nous sommes aidés par l’Agence de l’eau Seine- Normandie », poursuit-il. Car malgré la légère baisse des pesticides et même si les utilisateurs ambitionnent le zéro herbicide en 2025, la situation de l’eau préoccupe. De 2014 à 2018, en moyenne 2 500 t/an de pesticides dont près de 1 500 classés toxiques ou dangereux pour l’environnement ont été répandus sur l’AOC (appellation d’origine contrôlée). « Effacer la chimie, c’est l’intention première de la bio », assure Pascal Doquet.
  
Pour Daniel Beddelem, directeur territorial des Vallées de la Marne à l’Agence de l’eau, « avec 5 % de surfaces en Grand Est, l’agriculture biologique à elle seule ne résoudra pas le problème. Nous soutenons donc toutes les mesures qui encouragent la réduction d’intrants. Mais il faut aussi des signaux économiques forts du côté de la transformation et de l’aval ».
     
« Moins de 10 % des viticulteurs vinifient. Les volumineux pressoirs champenois ont disparu », explique Pascal Doquet, d’où la volonté d’une filière de champagne biologique solide que rejoignent des coopératives et des vignerons désireux de reprendre la main sur leur production. Tant mieux pour le consommateur :
 
« La production de vin bio est minoritaire, mais dans tous les guides, les concours mondiaux ou les dégustations à l’aveugle, les notations supérieures et les distinctions sont majoritairement pour les vins bio. Les champagnes n’y échappent pas ! », résume Pierre Guigui, créateur du concours Amphore et expert en champagne pour Gault et Millau.
 

* Pratique interdite depuis 1997 comme les épandages des intrants par avion. Les drones pourraient toutefois prendre la relève…

   
 

CIRCUIT LONG VERSUS CIRCUIT COURT

 

« Les grandes cultures sont généralement d’importantes structures qui mettent plus de temps à se convertir », expose Léo Tyburce, directeur filières et territoires à Bio Grand Est, mais quand elles passent au bio, vu la taille, les chiffres bougent. « Et la dynamique est enclenchée ! » 2019 aura vu la première campagne de betteraves sucrières bio de Champagne-Ardenne, et Cristal Union, l’agro industriel leader européen du sucre plus connu pour ses positions en faveur des néonicotinoïdes, était de la partie.
   
Des productions nouvelles pour la région, comme les plantes à parfum – imaginez de la menthe, mais sur 2 hectares ! – ou le chanvre pour la construction, émergent. « On sent une recherche de diversité et d’autonomie. On voit des céréaliers s’intéresser à la transformation, à la meunerie ou à l’huilerie. » Ils réfléchissent post-récolte et qualité plutôt que quantité. Et ça, c’est nouveau.

Dans cette culture de la filière longue où l’on regarde vers Paris, le circuit court peine encore. « On manque de maraîchers, enjeu alimentaire pour nos villes, et aussi de petits élevages, enjeu agronomique pour la terre. Car les cultures dominantes sont très dépendantes de fertilisations qu’elles importent d’autres territoires », poursuit Léo Tyburce.

 

 

 
« Certes la région accuse un retard lié à la typologie des fermes, mais nous avons du potentiel et voyons des signaux positifs comme le lancement du plan alimentaire territorial autour de la Montagne de Reims pour développer les circuits courts. » Alors, champagne !
  
  

** Structure en fil de fer des bouteilles de champagne

 

Retrouvez l'intégralité de cette enquête dans le n° 117 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.

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